
Le Pr. Lehn demande alors : « Comment la matière devient-elle complexe? » C'est une question importante, car finalement, c'est grâce à cette complexité que la vie existe comme nous la connaissons et que l'homme est un être pensant! Bref, la réponse à cette question est importante : c'est l'auto-organisation. Simplement en suivant les lois de l'Univers, notamment l'électromagnétisme et en ajoutant une touche de physique quantique, les éléments s'assemblent et s'organisent.
La chimie prébiotique est en quelque sorte une généralisation de l'évolution darwinienne
À une époque, on croyait que la vie avait quelque chose de sacré, une essence particulière qui nous empêchait de créer des produits de la vie à partir de matière non-vivante. Cette conception du monde changea, selon le Pr. Lehn, lorsque Friedrich Wöhler réussit à synthétiser de l'urée à partir de cyanate d'ammonium en 1828. Bref, si on peut parler d'évolution en chimie, que l'on croit qu'il est possible de fabriquer l'adénine (une composante de l'ADN) à partir de 5 molécules de cyanure d'hydrogène (HCN) et bien pourquoi ne pas croire en une « sociologie moléculaire »?
C'est l'un des thèmes importants des recherches du Pr. Lehn. Comment les molécules se parlent-elles? C'est un peu ce qu'il appelle la chimie supramoléculaire.
Quelles sont les étapes de cette fameuse chimie? Reconnaissance, réactivité et transport. La reconnaissance est très intéressante. Elle s'établit grâce à la géométrie des molécules et à leurs interactions. Pour qu'il y ait reconnaissance, il faut qu'il y ait de l'information! Une clé reconnaît une serrure grâce à l'information géométrique de chaque composant. Cette information ne pourrait être représentée par un exemple plus spectaculaire que celui de l'ADN. Les pairs de l'ADN : A et T, G et C se forment via des liaisons hydrogène (2 pour la pair A et T, 3 pour la pair G et C). Bref, ce système de 2 vs 3 est très similaire à notre système binaire de 0 et de 1 utilisé dans les ordinateurs... Toute cette information code aussi bien pour créer une tomate qu'un éléphant! Bref, la chimie est un monde d'information et d'auto-organisation.
Le Pr Lehn propose donc d'utiliser cette capacité de la matière à s'auto-organiser pour exploiter ce que Richard Feynman appelait : « There's plenty of room at the bottom ». Imaginez que pour fabriquer les prochains ordinateurs, nous cessions de miniaturiser les pièces, mais commencions plutôt à faire croître les pièces à partir des éléments chimiques et des lois de la nature. C'est ce que le professeur appelle la chimie dynamique constitutionnelle.
«Est-ce que l'homme a la maturité morale pour utiliser les technologies que nous développons?»
Finalement, Jean-Marie Lehn répond à une question que je me pose depuis longtemps : est-ce que l'homme a la maturité morale pour utiliser les technologies que nous développons? (ma question). Disons simplement qu'il propose de répondre à ce problème en étant optimiste. Si nous ne croyons pas que nous puissions faire un peu de bien dans ce monde, alors peut-être vaut-il mieux se jeter immédiatement en bas du pont!Je suis encore incertain quant à notre potentiel en tant que société (voyez les récents scandales dans le monde de la construction au Québec, la corruption, etc), mais j'aime l'approche du Pr. Lehn. Soyons optimiste, si nous ne le sommes pas, qui sauvera cette fichue planète!
Publié par : Frédéric Couet
C'est une question difficile, parce qu'on est à la fois juge et partie. En effet, que serait la science telle qu'on la connait sans l'homme ?
RépondreSupprimerJe crois que ça revient à se questionner sur la perception de la science dans l'humanité, et la valeur et le rôle que l'on octroie aux découvertes technologiques. L'homme moyen est convaincu que la science est à son service et qu'elle est un outil qui lui permet d'étendre ses ambitions : Vivre plus vieux, travailler moins fort, être plus fort, paraitre mieux. En ce sens, je suis bien d'accord avec toi, ce n'est pas une bonne base morale pour utiliser les nouvelles prouesses technologiques. Je crois que l'homme a tort, car la science restera après une éventuelle chute de l'humanité. Cependant, l'autre possibilité, cesser de mettre dans les mains de l'homme le développement technologique, est tout à fait impossible, ce qui fait que le raisonnement même sur la question a un biais. Bref, je suis bien d'accord avec toi que la perception de la science devrait être revu, mais si on commence à limiter ses bénéficiaires aux gens moralement acceptable, on s'engage dans une pente glissante.
Bonne journée !
Je trouve que tu extrapoles un peu ma pensée! Il n'est pas question de limiter les bénéficiaires ou de redéfinir le rôle de la science!
RépondreSupprimerSimplement, je me dis qu'une part importante de la vie (seule ou en société) consiste à faire des choix. Peut-être devrions-nous faire des choix qui favoriseraient davantage le développement moral et citoyen.